L'éclairage au XVIIIeme et XIXeme siècle
             Partie 2 : Entrée en scène de l'invisible : le gaz

Gaz naturel ou gaz manufacturé ?

 

Il ne semble pas que le gaz naturel ait été utilisé dans un but d'éclairage mais plutôt pour ses qualités calorifiques.
Dans la région de BAKOU (Azerbaïdjan), du gaz de pétrole s'échappait librement. On le receuillait de façon rudimentaire : une couche d'argile était déposée sur le gisement et de petits trous constituaient les foyers potentiels. Le gaz était également transporté par des tubes en tiges végétales mais sur de très courtes distances.

Puit de gaz naturel à Louiseville (Canada)
Gravure "L'opinion publique" Novembre 1880
C'est au 17e siècle que l'anglais James CLAYTON découvre, en distillant de la houille, un gaz inflammable et très éclairant mais cette découverte ne connait pas de suite.
Le gaz apparait plutôt comme un déchet dont on se débarrasse en le brulant dans des torchères.
Seul le goudron, obtenu par cette même distillation avait de la valeur, pour la marine en particulier....

Il faudra attendre 1799 pour que le français Philippe LEBON ( Ingénieur et professeur de mécanique 1767-1804) qui s'intéresse au gaz issu de la distillation du bois dans un but d'éclairage et de chauffage.
C'est à cette date qu'il dépose un brevet d'invention pour ses "thermolampes"


Il sera considéré comme l'inventeur de l'éclairage au gaz et le 5 Mars 1955 un timbre lui sera dédié par la poste française.

Vers 1797, un anglais, qui connaissait les travaux de LEBON, du nom de MURDOCH, va se pencher sur le même problème de la distillation mais d'un autre produit : la houille.
Il réussit, lui aussi, à isoler un gaz riche, en plus du goudron et du coke. Ce dernier étant le résidu de la distillation.
La revente de ce coke couvre tous les frais de la distillation et c'est pourquoi Murdock se tourne non pas vers les particuliers mais vers les industriels pour leur proposer son éclairage.

 

Buste de William MURDOCH (1754 - 1839) plus connu certainement pour une autre invention : le tricycle à moteur précurseur de la moto

Un autre concurent se présente : un rusé ! Il s'agit de F.A. WINDSOR qui se lance sur le marché avec un enthousiasme plus que débordant.
Il sait se vendre et c'est lui qui éclairera Londres au gaz le 16 Aout 1807. Paris suit de peu. Les premiers candélabres - ou réverbères sur pieds - apparaissent vers 1818.
Ce moyen d'éclairage subsitera jusqu'à la venu de l'électricité vers 1879.


Petites parenthèses : Lebon prévoyait l'utilisation de son gaz, en plus de l'éclairage, dans des moteurs à combustion interne....Il aura raison mais en 1940 : Il faudra la guerre et ses restrictions pour voir appliquer son inventionavec les fameux gazogènes qui ne sont que les descendants directs des thermolampes.

Exposition d'un Citroen "U23" équipé en gazogène pendant la guerre 39/45.
En attendant, c'est Murdoch qui a misé juste : c'est le gaz de houille qui sera produit industriellement (surtout à cause du coke très intéresssant) et qui servira comme gaz d'éclairage. Vers 1830 pratiquement toutes les grandes villes seront équipées, mais avant de pouvoir être utilisé, il doit être lavé, purifié et stocké dans d'immenses sortes de cloches : les gazomètres.

Ci-dessus : Anciens gazomètres de Vienne (Autriche)

 

   A droite : Nice s'éclaire au gaz : construction des gazomètres (1861-1865)

Le gaz naturel cependant continue à être exploité en même temps que le pétrole. Lui aussi sera traité et purifié (surtout qu'il contient souvent beaucoup de soufre). C'est la raison pour laquelle il sera appelé gaz manufacturé.
Equipement de forage en Alberta (Canada) : pour exploiter le pétrole et le gaz dans les         Un des premiers puits de gaz naturel Alberta (canada) (1916)
prairies (1898)
Questions de becs .... Voir à ce sujet "Les plus" : Le gaz Prise de becs et où on déborde vers le XXeme ...

D'un simple petit trou, les becs vont se perfectionner avec tous le même but : la flamme la plus lumineuse pour la plus économique. Toutes les connaissances scientifiques y passent : l'oxygénation de la combustion, l'isolation thermique ou au contraire l'utilisation de la chaleur, les débits variables, l'utilisation d'additifs, .....

Et cela va se terminer par une guerre. Une guerre avec un ennemi qui vient de naître et qui apporte en plus du confort une sécurité non négligeable. Une guerre dont on connait d'avance le gagnant, du moins en ce qui concerne l'éclairage : l'électricité

Si les villes profitent de cet éclairage nouveau qui fait reculer un peu l'insécurité, il y a aussi quelqu'un d'autre qui en profite et ce à plus d'un titre : le patronnat. En effet, les ateliers sont eux aussi éclairés, et pour les ouvriers, ce n'est pas une bonne nouvelle, car à partir de cette période, les usines peuvent fonctionner nuit et jour. La durée de travail augmente et ce fut le début du travail de nuit...

Atelier éclairé au gaz et détail du bec :
La rampe d'éclairage au-dessus de la machine outil comporte 5 becs "papillon"

 

Les progrès n'en finissent pas...tous les domaines sont touchés...même celui de la santé.
Qui n'a fixé avec appréhension le système d'éclairage que le dentiste réglait avec attention avant de saisir des instruments plus barbares les uns que les autres ?
Par simple curiosité :

          Projecteur buccal de Stewart
la source lumineuse est fou
rnie par le gaz d'éclairage. Le réflecteur en verre, cannelé en forme de miroir concave, réfléchit vers la bouche la lumière du bec de gaz. Le miroir et la source lumineuse sont orientables latéralement et réglables en hauteur.

              Projecteur de Grohnwald
Modèle de Paul Buss, de Berlin
Il utilise le gaz d'éclairage. Il fut distribué par Paul Buss de Berlin
Le jeu de miroir permettait le réglage de la lumière dans la bouche du patient.
Images extraites du cabinet reconstitué du dentiste à Stokholm (Suède)

Les autres gaz :

Dans la mesure où on peut parler d'autres gaz...
Le gaz "débenzolé" : Jusque vers 1885, le gaz utilisé était celui produit par la distillation de la houille. Ce gaz contenait du monoxyde de carbone, de l'hydrogène et quelques traces d'un hydrocarbure : le benzol. C'est ce dernier qui donnait au gaz son pouvoir éclairant.
Vers 1885, l'utilisation des becs à incandescence se généralise.
Le principe : Le gaz chauffe un manchon en matière particulière ( souvent oxyde de borium, thorium,....) qui monte en température jusqu'à devenir incandescent et produire ainsi la lumière attendue.
Seul le pouvoir calorifique du gaz était utilisé et on a commencé à "débenzoler" ce dernier afin d'isoler et obtenir le benzol comme matière première dans la fabrication d'explosifs.
C'est aussi pourquoi certains noms d'inventeurs connus et cités dans ces pages pour leurs travaux sur l'éclairage se sont aussi fait connaitre dans des inventions moins "neutres" mais peut-être plus lucratives.

L'acéthylène : Ce gaz n'apparaitra vraiment qu'au XXeme siecle et sera traité dans ce chapitre....